Courrier

Neutralité religieuse de l’État

La loi favorisant la neutralité religieuse de l’État a suscité de nombreux commentaires de la part de nos lecteurs. Voici quelques-unes des lettres reçues. 

Des injures si la loi est contestée ?

Il faut faire attention. Si jamais la loi est contestée et qu’elle soit déclarée anticonstitutionnelle, il est fort probable qu’il puisse y avoir des impacts très négatifs pour les porteuses du niqab ou de la burqa. Ce n’est pas en défaisant la loi que tout se réglera. Par exemple, dans un autobus, j’ai comme l’impression que ces femmes porteuses de ce vêtement pourraient subir des remarques malheureuses et des injures si la loi devait être contestée et abolie. Il ne faut pas oublier qu’une majorité de Québécois est en accord avec cette obligation de donner et de recevoir un service à visage découvert dans l’espace public.

 – Pierre Beaudoin

Une loi tout à fait justifiée

Je pense que la loi est tout à fait justifiée, notamment dans l’espace public et à chaque fois que la preuve d’une identité est nécessaire – quand on utilise une carte pour le transport avec une photo, lorsqu’on va consulter un médecin (on doit montrer la carte-soleil), lorsqu’on reçoit un colis à la poste (on doit prouver être la bonne personne). Prétendre que le médecin ou le dentiste n’a pas besoin de voir le visage d’une patiente est absurde. Prétendre que l’on veuille défendre les droits des femmes portant le niqab ou la burqa alors qu’on ne fait rien pour éduquer les hommes qui les entourent est tout simplement de l’hypocrisie.

 – Irena Doucheva

Une loi votée sous le crucifix

Comment prétendre à la neutralité de l’État alors que la loi est votée sous le crucifix ? Les députés n’éprouvent-ils pas de gêne face à cette hypocrisie ? Ce faisant, l’Assemblée nationale prouve au contraire que l’État favorise la religion catholique. Il ne faudrait pas qu’interdire la burqa, mais bien toute personne qui ne peut être identifiée dans l’espace public. Fini les cagoulards dans les manifestations. De plus, être à visage découvert dans l’espace public est une condition élémentaire de savoir-vivre… ensemble.

 – Christiane Sauvé

Aucun fondement religieux

Le port du voile intégral – de la burqa ou du niqab – n’a aucun fondement religieux. Je mets au défi n’importe quelle autorité religieuse de démontrer le contraire. Cet accoutrement ne peut donc pas bénéficier de la protection de la Charte des droits et libertés. Son acceptabilité sociale est nulle. On l’interdit, point barre.

 – Naïma Sebbah, Montréal

Faire respecter nos valeurs

J’ajouterais simplement qu’il faut arrêter de se fermer les yeux et les oreilles sur le capital politique que se font les politiciens concernant les accommodements. Je ne peux pas croire qu’en 2017 nous en sommes encore et toujours à nous demander si les personnes qui arrivent au Canada doivent continuer à observer les mêmes traditions que dans leur pays d’origine. Nous devons faire respecter nos valeurs telles qu’elles sont et que les nouveaux arrivants pratiquent leur coutume ou religion entre leurs murs, sans nous agresser. Depuis la nuit des temps, la femme se « bat » pour obtenir le respect et l’égalité. L’image envoyée par certaines de ces femmes nous ramène à une époque révolue, soit la soumission. D’autant plus que chacun sait que ce n’est pas leur religion qui leur impose leur tenue vestimentaire, mais bien les hommes. Je dirais donc… arrêtez, les politiciens de ce beau pays, de vous fermer les yeux pour des votes, encore une fois, en utilisant la femme.

 – Martine Bourdon, Montréal

Des droits et libertés brimés

Un État n’exprime pas sa neutralité en brimant les droits et libertés des individus. Pour ce qui est de l’argument de l’identification, de la communication et de la sécurité, des accommodements tout à fait raisonnables sont possibles. Par exemple, dans le cas de la femme qui a porté un niqab pour la cérémonie de la citoyenneté, la femme s’est dévoilée à un agent avant la cérémonie pour les fins d’identification. Pour la sécurité, voyons donc : on n’a pas besoin d’un niqab pour se déguiser ou cacher des objets. Pour la communication, nous avons récemment voyagé à Londres et utilisés surtout le transport en commun : aux heures de pointe, les autobus étaient bondés, et beaucoup de femmes portaient le tchador, le niqab et même la burqa. La communication ne manquait certainement pas – en personne et constamment au cellulaire. Nous nous sentions tout à fait en sécurité.

 – Margaret Heap, Saint-Bernard-de-Lacolle

Opinion Neutralité religieuse de l’État

Légiférer sur le niqab ne porte pas atteinte à la liberté religieuse

L’adoption du projet de loi 62 exigeant entre autres de donner et de recevoir des services publics à visage découvert suscite un tollé pour les mauvaises raisons.

Certains avocats s’empresseront de se porter volontaires pour défendre devant les tribunaux la cause des femmes qui se sentiraient lésées par cette décision. Du côté du Canada anglais, qui ne manque pas une occasion de faire du Québec « bashing » dès qu’on ose déroger au sacro-saint principe du multiculturalisme, la condamnation de cette mesure est sans appel. Pour leur part, certains groupes et militants musulmans, alliés objectifs de la mouvance islamiste, s’empresseront de crier à l’islamophobie et au racisme. Il serait déplorable de voir les médias québécois leur emboîter le pas et leur offrir leurs tribunes sans approfondir les véritables enjeux. Mais plus déplorable encore est l’attitude de certains politiciens et de nombreux progressistes, y compris certaines féministes, qui s’opposent à toute interdiction au nom des droits et libertés des femmes musulmanes.

Soyons claires. Se cacher le visage n’est pas un droit fondamental et encore moins une liberté. Il ne s’agit pas de nier « l’agentivité » – concept cher aux féministes postcoloniales – des femmes portant volontairement le niqab ou la burqa. Il ne s’agit pas ici de légiférer sur les vêtements des femmes. D’ailleurs, on peut difficilement qualifier de vêtement un tissu qui sert à cacher le visage. Comme le soulignent de nombreuses femmes musulmanes qui s’opposent vivement au port du voile intégral, considérant qu’il n’a rien à voir avec leur religion, c’est avant tout, disent-elles, un outil qui vise à invisibiliser les femmes et à nier leur statut social et politique. Par conséquent, il est faux de prétendre que légiférer sur le niqab est une atteinte à la liberté religieuse.

Chaque société est en droit d’établir des règles de fonctionnement et des codes sociaux qui doivent être respectés pour favoriser les échanges respectueux entre personnes d’origines et de croyances diverses. 

C’est pourquoi les Occidentaux voyageant dans des pays conservateurs sont incités à s’habiller de façon non provocante et à respecter les codes de conduite prévalents dans le pays visité. C’est d’autant plus vrai lorsqu’on choisit de vivre dans un pays et qu’on aspire à être traité sur le même pied d’égalité que d’autres citoyens et citoyennes.

Rappelons que l’interdiction du niqab dans certains pays européens a été entérinée par la Cour européenne des droits de l’homme. De plus, certains pays musulmans, comme l’Égypte, l’Algérie et la Tunisie, ont interdit le port du niqab à l’école et parfois à l’université. 

En 2009, la prestigieuse Université Al-Azahar du Caire  – une référence mondiale de l’islam sunnite – a annoncé qu’elle comptait interdire le port du voile intégral dans ses établissements, ce qui a suscité un tollé de la part des Frères musulmans, principale force d’opposition. L’an dernier, le voile intégral était interdit à l’Université du Caire, aux enseignantes et aux étudiantes, et un projet de loi égyptienne était soumis à l’étude, prévoyant son interdiction dans les établissements gouvernementaux, les transports en commun et les hôpitaux publics.

On en convient, le registre juridique n’est sans doute pas le meilleur moyen d’établir des codes sociaux et des règles de comportement communes qui doivent être respectés de tous et de toutes. Cela ne nous empêche pas de réfléchir à ce qui est réalisable et ce qui est politiquement souhaitable. Par exemple, on voit mal comment appliquer concrètement l’interdiction du voile intégral dans les transports publics, sans offrir aux groupes islamistes l’occasion de renchérir autour d’images victimaires et d’accroître ainsi leur influence aux yeux de leurs communautés.

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